Coopératives de cacao : quelles solutions apporter aux petits paysans ?

Article : Coopératives de cacao : quelles solutions apporter aux petits paysans ?
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20 janvier 2021

Coopératives de cacao : quelles solutions apporter aux petits paysans ?

Alors que la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao depuis des décennies, les paysans ivoiriens restent très pauvres dans leur majorité. Pour améliorer leurs conditions de vie, le gouvernement a obtenu en octobre dernier la revalorisation du prix de la fève. Mais cette hausse ne devrait pas avoir un impact significatif sur leur quotidien. Il va falloir trouver une meilleure solution.

La Côte d’Ivoire est l’un des grands producteurs de matières premières agricoles dans le monde. Elle se classe notamment au premier rang au niveau du cacao, avec en moyenne, 2,2 millions de tonnes par an. Paradoxalement, les paysans ivoiriens demeurent la couche sociale la plus pauvre du pays, plus de soixante ans après l’indépendance. Pour changer cette situation, l’Etat essaie depuis des décennies d’agir sur le prix de la fève. Dans les années 2000, le prix du kilogramme a été fixé pour la première fois à 1200 Francs CFA, avant de connaître un effet yoyo et de dégringoler. En octobre 2020, à peu près à un mois de la présidentielle, le gouvernement a obtenu une revalorisation de l’ordre de 20 %, pour la campagne 2020-2021. Le prix passe ainsi de 825 à 1000 Francs CFA.

Il faut compter avec des négociants véreux

Mais ce gain pécuniaire ne devrait pas avoir d’impact sur la vie des paysans ivoiriens, obligés de s’endetter pour envoyer leurs enfants à l’école. Ils ne percevront que les miettes d’un marché du chocolat estimé à plus de 80 milliards de dollars et concentré entre les mains d’une dizaine de multinationales avec en tête de liste, les suisses Barry Callebaut et Nestlé. Cela s’explique aussi par le fait que les producteurs vendent leurs fèves à un prix inférieur à celui qui est officiellement fixé (déjà problématique). Les négociants véreux savent que les cacaoculteurs sont dans le besoin et ils en profitent pleinement.

« Oui, la production aujourd’hui ne fait plus défaut. Ce qui fait défaut, c’est sa transformation…« 

Le salut des paysans se trouve donc ailleurs, assurément dans la transformation locale de la fève. Et les autorités en sont conscientes. En novembre 2018, lors du 5e salon international « Agrofood & plastprintback West Africa », le ministre de l’agriculture Mamadou Sangafowa Coulibaly a appelé le secteur privé à investir dans la transformation des produits agricoles afin d’apporter une plus-value à la filière. « Oui, la production aujourd’hui ne fait plus défaut. Ce qui fait défaut, c’est sa transformation », a-t-il reconnu. Mais la stratégie du gouvernement repose sur les investissements étrangers et l’implantation d’usines par les grandes entreprises mondiales. Ce qui ne résoudra pas les problèmes des producteurs ivoiriens.

Les vignobles français produisent du vin de bonne qualité

Certains politiques prônent donc une transformation locale via les coopératives. Aujourd’hui encore, ces groupements ne se créent que pour améliorer la vente des fèves, les conditions de travail et aider les paysans à subvenir aux frais de scolarité et de santé de leurs familles. Il y a aussi des coopératives qui transforment le cacao en produits semi-finis, mais ce n’est clairement pas suffisant. L’objectif maintenant est d’obtenir des produits finis pour une grande partie de la production. Nous pouvons nous inspirer des familles de vignerons ou des vignobles français qui produisent du bon vin dans leur exploitation. En France, les caves coopératives de vinification, aussi appelées coopératives vinicoles, produisent et vendent du vin issu des raisins de leurs adhérents. Ainsi, elles effectuent elles-mêmes des opérations comme la vinification, le stockage et le conditionnement.

On objectera que ces coopératives possèdent un certain savoir-faire, parfois ancestral. Mais tout s’apprend. A moins d’être foncièrement afro-pessimiste, on admettra que nos paysans peuvent apprendre à produire un chocolat de qualité. L’Etat devrait les y aider en mettant à leur disposition des formateurs et les investissements nécessaires à la création de petites unités familiales. On pourrait aussi opposer que nous ne consommons pas énormément de chocolat. Il s’agit là d’un vieux cliché. Aujourd’hui, de plus en plus d’enfants aiment le chocolat et même les adultes, à certaines occasions. Le problème se situe au niveau du prix, à tel point que ce produit devient un luxe dans notre société.

Nous sommes complexés face à nos produits locaux

Nos dirigeants doivent s’atteler à vulgariser la fabrication du chocolat pour le mettre à la portée de tous. Il faudra également effectuer un travail de déconstruction des mentalités. Les Africains en général ont encore tendance à voir d’un mauvais œil ce qui est produit chez eux. Ils assimilent cela à de la mauvaise qualité. Dès lors, les quelques rares entreprises locales qui font du made in Côte d’Ivoire voient leur chocolat fortement déprécié sur le marché.

Il faut donc combattre ce complexe pour enfin « consommer ivoirien », comme le disait l’ancien président ivoirien Henri Konan Bédié. Et c’est seulement en valorisant nos propres produits que le marché mondial pourra véritablement leur porter un interêt. Nous avons déjà l’avantage de faire pousser le cacao sur nos terres et d’en être le premier producteur mondial. Cela nous donne plus de crédit aux yeux du consommateur européen, notamment.

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