Des observateurs électoraux ivoiriens au Sénégal, sérieux ?

Des observateurs électoraux ivoiriens au Sénégal pour superviser la présidentielle ? C’est à peine croyable, pourtant c’est ce qui s’est passé ce dimanche 24 mars. J’ai dû revoir le reportage de France 24 sur YouTube et faire plusieurs recherches sur Google pour m’en convaincre. C’est assez cocasse comme action, et je vous dis pourquoi.

Dimanche 24 mars 2024, comme toutes les personnes intéressées par l’actualité et la politique, j’ai allumé la télé pour suivre les informations sur l’élection présidentielle au Sénégal. J’ai choisi France 24 pour le faire. Je tombe alors sur un reportage annonçant l’ouverture des bureaux de vote (BV) et l’arrivée des premiers électeurs sénégalais.

« Vous avez constaté quelque chose d’anormal ? »

Dans cette vidéo (voir ci-dessous), on nous apprend que la présidentielle est supervisée par des centaines d’observateurs. Le reportage montre une ONG ivoirienne (du nom de Ramapaix) qui fait le tour des bureaux de vote pour s’enquérir du déroulement de l’élection. C’est son président Trésor Raby qui pose des questions aux agents électoraux. L’homme demande : « est-ce que depuis que ça a commencé, vous avez constaté quelque chose d’anormal ? ». Et un agent de répondre : « Non, non ! ».

Que des observateurs électoraux fassent le tour des bureaux de vote pendant un scrutin présidentiel, c’est un fait vraiment banal. Sauf s’il s’agit de superviseurs venus d’un pays pas connu pour être démocratique. Pour mieux comprendre, imaginez des observateurs russes présents en France pour superviser l’élection présidentielle française. Ce serait drôle !

On joue les observateurs dans un pays reconnu pour sa démocratie

Ainsi c’est ridicule, et même déplacé, de voir des Ivoiriens enfiler la camisole de superviseurs dans un pays à la longue tradition démocratique. Je suis sûr que les agents électoraux sénégalais se demandaient ce qui se passe. La Côte d’Ivoire n’a jamais été un modèle en matière d’élection pour que ses citoyens se permettent de contrôler le scrutin des autres. Elle n’est absolument pas un exemple de démocratie avec des élections irréprochables, justes, transparentes et apaisées.

En Côte d’Ivoire, les élections ont toujours été violentes, non transparentes et exclusives

Les scrutins récemment organisés en Côte d’Ivoire n’ont rien de démocratiques. Sélection du candidat de l’opposition (un faire-valoir) par le pouvoir, leaders écartés, en prison ou contraints à l’exil, scores staliniens, violence dans les BV, blocus des sièges de partis et des résidences des opposants encore en liberté, etc. A cela il faut ajouter le fait que le président modifie la Constitution et invente toutes sortes d’arguments pour multiplier les mandats. Réélu en 2020 pour un 3e mandat controversé, Alassane Ouattara, au pouvoir depuis treize ans, semble n’avoir jamais été aussi fort, il a écarté de lui tout ce qui le dérangeait… A croire qu’il souhaite battre des records de longévité au pouvoir, comme Poutine (élu président pour son premier mandat le 7 mai 2000) !

Mieux vaut pour Ramapaix se préparer pour la présidentielle ivoirienne de 2025

Dans un tel contexte, une ONG ivoirienne ne peut pas prétendre superviser des élections dans la seule démocratie d’Afrique de l’Ouest, même si ses intentions étaient nobles. Une question de bon sens. Ramapaix ferait mieux de s’apprêter pour la présidentielle ivoirienne de 2025. L’organisation aura du pain sur la planche. Cette élection-là promet des étincelles. Elle aura davantage besoin d’observateurs que celle du Sénégal, surtout des observateurs intègres !