Le problème ivoirien au-delà des trois grands ! (partie 2/3)

Article : Le problème ivoirien au-delà des trois grands ! (partie 2/3)
Crédit: GDJ / Pixabay
28 juin 2022

Le problème ivoirien au-delà des trois grands ! (partie 2/3)

On pourra toujours opposer des arguments au retrait forcé des trois grands, Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié. Par exemple que la politique n’est pas un métier ou une fonction pour fixer un âge de retraite. Mais il s’agit ici d’une question d’éthique, après tant de morts pour un trône. On sait qu’il n’existe aucun moyen de persuader ces « fétiches » de se retirer de la présidentielle. Et puis une grande majorité des Ivoiriens n’a pas encore la maturité politique nécessaire à une sanction dans les urnes. Il nous reste donc que la constitution pour les mettre hors-jeu et passer à autre chose.

Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié doivent reconnaître qu’ils ne sont pas les seuls à posséder de la matière grise. La Côte d’Ivoire a produit des milliers d’intellectuels : des hommes et femmes de génie qui n’attendent qu’une occasion pour faire leur preuve. On les verrait, dans toute leur splendeur, pour peu qu’on ouvre les yeux. Ils sont là dans les grands partis politiques comme dans les petites formations. A côté, on a des indépendants engagés et visionnaires. Dans ce billet, je n’ai pas l’intention de battre campagne pour ces politiciens. Mais de rappeler leur existence aux Ivoiriens afin qu’ils se rendent compte qu’il y a des valeurs sûres dans ce pays, hors leurs gourous.

Des présidentiables au RHDP

Alassane Ouattara a beau avoir réalisé un second miracle économique en terre d’Éburnie, le devenir de la Côte d’Ivoire ne se trouve pas entre ses mains. En tant que mortel, il passera et il faudra forcément trouver un remplaçant. Le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) devra maintenant trouver un nouveau leader pour nous éviter une autre crise post-électorale ou une situation similaire à celle de 1993. Ouattara a voulu le fauteuil présidentiel, il l’a eu pendant bientôt quinze ans, au prix du sang des Ivoiriens. C’est largement suffisant. Qu’il se repose à présent à Kong qu’il dit avoir transformé en paradis. Si Amadou Gon et Hamed Bakayoko ne sont plus, il peut toujours choisir Patrick Achi, l’actuel premier ministre ivoirien. C’est un homme d’expérience et un travailleur acharné. S’il traîne des Pandoras Papers sous les souliers, je le préfère amplement à un Téné Birahima Ouattara, parfaite incarnation d’une politique barbare. D’ailleurs, n’est-il pas temps que le RHDP montre qu’il n’est pas un parti tribaliste et régionaliste ?

Si elle ne souhaite pas quitter le nord, la majorité présidentielle peut compter sur d’autres cadres tous aussi méritants. Parmi ces derniers figurent Cissé Bacongo, le meilleur maire de Côte d’Ivoire. Et aussi l’élu RHDP qui copie le mieux Alassane Ouattara, en bien comme en mal. En cas de volonté d’innover, le camp Ouattara peut se tourner vers Mariétiou Koné, l’actuelle ministre de l’Education Nationale et de l’alphabétisation. Cette professeure d’université est en train de redonner vie à l’école ivoirienne, complètement détruite par Kandia Camara. Avec elle, le RHDP deviendrait le premier grand parti ivoirien à faire confiance à une femme. Il pourrait aussi devenir le premier à promouvoir la jeunesse avec Cissé Abdourahmane (40 ans). Le plus jeune ministre ivoirien de l’histoire (chargé du budget à 32 ans en 2013) a toutes les qualités pour être notre Macron.

Le PDCI-RDA, usine à compétences

Au PDCI-RDA (Parti Démocratique de Côte d’Ivoir-Rassemblement Démocratique Africain), il y a également  de la bonne graine. Le vieux parti est sûrement celui qui possède le plus de compétences dans la sphère politique ivoirienne. A commencer par Jean Louis Billon, ancien ministre du commerce (2012-2017). Le milliardaire ivoirien a déjà signifié à Bédié qu’il se présentera en 2025. Alors pourquoi ne pas l’appuyer ? Une alternative au patron de SIFCA serait Thierry Tanoh, vice-président du parti septuagénaire. L’ancien DG d’Ecobank a été secrétaire adjoint de la présidence et ministre des énergies de Ouattara.

Le PDCI pourrait en outre miser sur une femme comme Yasmine Ouégnin. Ravissante, raffinée et combattive, la député de Cocody a su largement séduire la gente féminine et la jeunesse ivoirienne. Elle ferait une bonne candidate. A moins que le PDCI n’opte pour le banquier Tidjane Thiam, considéré comme le pendant d’Alassane Ouattara. On annonce, depuis des mois, son retour en Côte d’Ivoire pour une éventuelle candidature. Ces personnalités incarnent les valeurs du vieux parti, à savoir la non-violence, la discipline, le travail et le respect. De classe bourgeoise, elles se distinguent toutes par leur éducation et ce côté résolument moderne.

Tidjane Thiam, par Forum économique mondial via https://commons.wikimedia.org CC-BY-SA

La relève bien présente au PPA-CI

Comme le RHDP et le PDCI-RDA, le PPA-CI (Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire) regorge de cadres expérimentés et talentueux. Au lieu de forcer le destin, Laurent Gbagbo ferait mieux de pistonner un gars sûr comme Ahoua Don Mello, qui a eu le temps de mûrir à ses côtés. L’ancien directeur du BNEDT et conseiller d’Alpha Condé possède un solide réseau d’influence, en particulier en Russie. Il a été récemment désigné représentant des BRICS pour l’Afrique de l’ouest et centrale. Ce n’est pas rien. S’il est trop lisse et trop proche de Simone Ehivet aux yeux des GOR (Gbagbo Ou Rien), il y a Koné Katinan. L’ancien ministre du Budget fait partie des plus proches collaborateurs de Laurent Gbagbo, donc de l’aile dure de la sphère gbagboïste. Lui entretient des liens forts avec les Francs-maçons de la Grande Loge de Côte d’Ivoire (GLCI). Un point utile quand on veut parvenir au pouvoir. A mes yeux, Don Mello et Katinan sont mille fois mieux qu’un chancelant Assoa Adou, un timoré Hubert Oulaye et un tribaliste notoire comme Lida Kouassi Moïse.

Les rebelles et éternels incompris

Outre ces personnalités issues des grands partis, nous avons de bons dirigeants à la tête de petites formations politiques. Ces leaders ont le potentiel pour diriger un jour notre pays. Le premier est sans doute Mamadou Koulibaly, président de LIDER (Liberté et Démocratie pour la République). L’ex numéro 2 de la Refondation et du FPI (Front Populaire Ivoirien) de Laurent Gbagbo est l’un des rares hommes politiques qu’on associe le moins à la violence en Côte d’Ivoire. Il représente dans une certaine mesure le bon sens et la probité, malgré l’affaire des 100 millions qu’il traîne comme une cloche. Rappelons-nous qu’il est le seul maire ivoirien à avoir démissionné à ce jour. On ne voit pas ce genre de décision sous nos tropiques, où la tendance est à l’accumulation de tabourets…

Ce professeur d’économie est en outre l’un des rares à détailler son projet de société, mais aussi a proposé des solutions concrètes à travers sa rubrique « Jeudi c’est Koulibaly ». Il jouit d’une grande popularité auprès des panafricanistes en raison de ses positions contre le Franc CFA et la Françafrique. Mamadou Koulibaly partage une certaine idée de la rigueur et de l’intégrité avec Gnamien Konan, président de La Nouvelle Côte d’Ivoire. L’ancien ministre de l’Enseignement supérieur a laissé de lui, après son passage à la direction générale des douanes, l’image d’un homme intransigeant face à la corruption et au laxisme. Ces deux-là constituent un puissant duo capable d’assainir une société viciée.

Mamadou Koulibaly, par Nathyamb via https://commons.wikimedia.org CC-BY-SA

Et bien d’autres dans la course

Ma liste n’est pas exhaustive mais elle contient, selon moi, le nom des personnalités qui pourraient opérer une rupture franche et faire avancer le pays. La plupart de ces présidentiables ont plus ou moins une bonne éducation, un grand bagage intellectuel, une expertise avérée ainsi qu’une haute idée de la politique, qui doit être une compétition saine et honnête. S’ils peuvent faillir, poussés par l’ambition ou un entourage nocif, ces hommes et femmes sont totalement au-dessus de la mêlée. Ils sont nettement préférables à des gens peu scrupuleux comme Affi N’Guessan, Maurice Kacou Guikahué, Téné Birahima Ouattara et Adama Bictogo. Ceux-là incarnent la politique nuisible de leurs mentors ou ex-parrains.

Etant donné que ma volonté n’est pas celle de tous les Ivoiriens, il faudra aussi compter avec Charles Blé Goudé, Kouadio Konan Bertin (KKB) et Soro Guillaume (en cas d’amnistie et de retour au pays). Mais, il faut le dire, ces trois-là sont des héritiers de plein droit de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Charles Blé Goudé, en premier, a déjà montré sa capacité de nuisance avec sa galaxie patriotique et ses amis de la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire). Magouille, violence et désordre, sont leurs seules qualités. Le président du COJEP (Congrès panafricain pour la Justice et l’Egalité des Peuples) réserve assurément une rivalité sanglante avec Soro Guillaume du GPS (Générations et Peuples Solidaires) comme au bon vieux temps de la FESCI. Ces ex camarades sont tous deux des protagonistes de la guerre ivoiro-ivoirienne. On ne sait donc pas ce qu’ils proposeront de mieux. Ils ne peuvent rien créer, pour parler comme les jeunes ivoiriens. L’autre larron, c’est KKB bien sûr. A l’instar de son (ancien) parrain Bédié, il jouera probablement de perfidie et de lâcheté pour s’allier à l’un ou à l’autre au gré de sa prostitution politique. Il a donné un aperçu de ce vil comportement en octobre 2020…

Un renouvellement de la classe dirigeant seul ne suffira pas

Vous pouvez le constater avec moi, la Côte d’Ivoire ne manque pas d’hommes et de femmes politiques d’envergure pour prendre la relève de Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, qui ne sont pas irremplaçables. Si on les remettait en scelle, ces trois-là risquent de nous jouer l’acte 2 de la crise post-électorale de 2011, mais en plus dramatique. Nous leur demandons donc pardon, sabari, yaki…Qu’ils suivent l’exemple de Nelson Mandela, qu’ils s’assagissent. Ils doivent impérativement passer la main. Si faire la politique les démange autant, ces gourous peuvent toujours soutenir dans l’ombre leurs « éléments ».

Toutefois, il serait préférable qu’ils s’effacent complètement. Mama, Kong et Daoukro ont besoin de leur génie politique plus que la Côte d’Ivoire. Soyons clair, cependant ! Comme je l’ai déjà expliqué plus haut, une nouvelle génération ne garantit pas une politique saine ainsi qu’une paix durable en Côte d’Ivoire. Les héritiers et les nouvelles têtes pourraient aussi bien continuer de détruire notre beau pays. Bon nombre d’entre eux ont été au cœur des régimes successifs, ainsi que des personnages clés de la tragédie ivoirienne. Voilà pourquoi il faut aller au-delà du simple renouvellement de la classe dirigeante.

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