Les nouvelles technologies « made in Côte d’Ivoire » sont-elles en voie d’émergence ?

Article : Les nouvelles technologies « made in Côte d’Ivoire » sont-elles en voie d’émergence ?
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11 juin 2021

Les nouvelles technologies « made in Côte d’Ivoire » sont-elles en voie d’émergence ?

Le village des technologies de l’information et de la biotechnologie (Vitib) de Grand-Bassam a présenté cette semaine le premier smartphone et le premier ordinateur desktop « made in Côte d’Ivoire ». S’il ne s’agit pas encore de fabrication à proprement parlé, c’est déjà un bon pas pour notre pays, qui souhaite rattraper son retard technologique. Le principal obstacle sur sa route reste cependant le manque de volonté politique.

Des sourires et de la fierté dans les yeux. Les responsables du Vitib de Grand-Bassam ont présenté, mardi 8 juin 2021, le premier smartphone et le premier ordinateur de bureau « made in Côte d’Ivoire » au ministre ivoirien de l’Économie numérique, des télécommunications et de l’innovation, Roger Adom. C’est un évènement notable car il s’agit de premiers matériels informatiques produits par des Ivoiriens. Toutefois – tempérons les ardeurs – nous n’avons affaire qu’à des équipements montés dans l’usine d’assemblage du Vitib, à partir de pièces déjà disponibles. Plusieurs pays d’Afrique de l’Est et du Nord disposent de ce genre d’unités. Nous serions plus heureux s’il était question de fabrication, c’est-à-dire de transformation des matières premières en produits finis…

Mais, nous sommes preneurs. Cette petite prouesse représente tout de même un motif d’espoir pour la Côte d’Ivoire. Compte tenu du rythme de production (4.000 unités par jour) et des prix bas miroités, l’usine d’assemblage du Vitib pourrait soulager grandement l’administration ivoirienne, qui continue d’utiliser du matériel obsolète. L’importation d’ordinateurs neufs revenant chère, à cause des taxes élevés. Plus intéressant encore, l’usine du Vitib serait capable d’assembler d’autres types de matériels électroniques et informatiques, notamment des caméras et des robots. De quoi permettre à nos entreprises de disposer enfin d’équipements de pointe ? Ce serait génial dans un contexte industriel marqué par le recours à l’Intelligence artificielle, à la robotisation et à l’Internet des objets (IoT).

Des inventions à profusion ces dernières années

Si la Côte d’Ivoire souhaite vraiment atteindre l’émergence (dans un horizon repoussé et maintenant en pointillé), elle doit impérativement moderniser son économie. Cela passe par la mise en place d’une véritable politique de l’innovation et par la disponibilité de financements à la hauteur de ses ambitions. Cette nouvelle stratégie doit s’atteler à promouvoir le génie créateur local. Sur ce point, notre nation regorge de jeunes talents. Ces dernières années, on a assisté à une profusion d’incroyables inventions. Evoquons, entre autres, les applications mobiles Môh Ni Bah (qui facilite la déclaration des naissances) et « TaxiTracker » (pour suivre la trace les taxis en cas d’agressions) ou la tablette éducative Qelasy. Dans un autre registre, citons les idées ingénieuses de N‘cho Yapi Didier, l’« Elon Musk ivoirien » [et là, on a un pincement au cœur].

Une dangereuse culture de la médiocrité  

Ce jeune créateur a été encouragé en 2011 par Barack Obama himself pour ses inventions révolutionnaires. Il a notamment conçu le « IK3 Incorporated Keyboard », un clavier d’ordinateur invisible, et le « Dead Cryptor », un système informatique qui lutte contre le piratage et la contrefaçon. Que dire du « Scanner LU », un programme servant à détecter toutes les imperfections du corps humain en temps réel ? Malheureusement, cet inventeur hors pair est mort en 2015 dans l’indifférence totale, après plusieurs années de maladie. Son travail semblait n’intéresser personne, en tout cas pas les politiques et les médias, plus prompts à faire la promotion de la médiocrité à longueur de journée. Aujourd’hui, il faut pratiquement jouer au bouffon sur Internet pour trouver grâce à leurs yeux.

Tant que nous continuerons à mépriser ou ignorer nos créateurs au profit de ces amuseurs publics, ne rêvons pas à l’essor technologique qu’ont connu des pays d’Asie comme la Chine, le Japon, l’Inde et la Corée du Sud. Tant que nos politiques créeront des fonctions inutiles et budgétivores au lieu de financer correctement nos inventeurs, et tant qu’ils paieront grassement des clubs de soutien ou des cyberactivistes au lieu d’accompagner convenablement nos startups, ne rêvons pas à l’émergence. Réveillons-nous dès maintenant, car le développement technologique précède l’émergence.

De la nécessaire refonte du système éducatif

D’ailleurs, nos dirigeants doivent enfin avoir le sens des priorités. La Côte d’Ivoire n’a pas besoin actuellement d’un institut politique, encore moins d’une académie de lutte contre le terrorisme (je ne crois pas que ce soit la solution à ce problème). Nous avons plutôt besoin, dans le cas d’espèce, de structures scientifiques et technologiques pour fédérer et porter les compétences de nos chercheurs. Au-delà, il faut arrêter de gaspiller l’argent public ou de s’endetter inutilement pour enfin investir dans des projets vraiment porteurs.

Changer de mentalités s’impose aussi à tous les niveaux de la société. Cette transformation collective est necessaire si nous voulons payer demain des smartphones, des ordinateurs portables, des montres connectées, des drones ou encore des voitures « Made in Côte d’Ivoire ». Pensons en outre à refonder notre système éducatif, aujourd’hui complètement inadapté. Nous gagnerions assurément à y introduire l’informatique et les sciences (pratiques) dès le primaire. Cela permettra de développer chez l’enfant une culture de l’innovation comme c’est le cas dans de nombreux pays asiatiques.

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